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Un seigneur de bonne maison, Parent d'Odet de Chatillon, A dit (parlant à son suisse) ( i ) : Va dire au saint qu'il te guérisse ; Car mon hôtel je l'interdis, Si tu ne retournes guéri.
Du lit je ne puis plus bouger, A l'Hôtel-Dieu je vais loger. Pour discréditer le saint même, J'avais joué ce stratagème ; Maudits la dame (4) et son coché Qui m'ont fait faire un gros péché.
Dans un coin Madame la .... Vomissait tripes et boyaux, Mais bientôt les apothicaires Ne lui donneront plus clystères ; Elle a promis à son mari De ne plus boire qu'à demi (2).
9° Mon Dieu ! je ne puis faire un pas, S'écrie une femme là-bas, J'ai contrefait le cul-de-jatte Parce qu'on m'a graissé la patte. Et je suis demeurée hélas ! Percluse des pieds etdes bras (3).
Laissez passer cet étranger, De Madrid il vient d'arriver ; L'enfant de tout côté vous lorgne, Il n'était que bigle, il est borgne. Messieurs, n'en soyez pas surpris, Il n'avait de foi qu'à demi.
1 20 Quelle est cette hydropique-ci Sur le tombeau du saint Pâris ? Elle porte en main un grand cierge Qui n'est pas de cire bien vierge. Mais un grand miracle on verra : Dans trois jours la vierge enfan­tera (5),
(i) « Eu parlant à son suisse » est ici pour la rime, l'individu visé ici etait valet de chambre chez le duc de Chàtillon. Il se prétendit guéri d'une paralysie.
(2)  Cette femme se disait atteinte d'une maladie d'estomac. Elle alla à maintes reprises à Saint-Médard pour obtenir sa guérison,- mais là les accidents auxquels elle était sujette la reprirent et elle infecta à deux ou trois reprises la tombe du saint, au grand scandale des assis­tants. Son mari, fatigué de cette comédie, entreprit sa guérison; il lui fit boire de l'eau pendant plusieurs semaines et la soumit à une diète rigoureuse. Ce remède eut plus de succès que les neuvaines au tombeau; les vomissements cessèrent et ne revinrent plus.
Cette femme ne voulut pas se rendre à l'évidence; dans son fanatisme elle fit mettre au pied de la tombe du diacre un écriteau sur lequel on lisait : « Priez Dieu pour une pauvre femme qui est battue, maltraitée et réduite à la misère par son mari par ce qu'elle va implorer le saint. »
(3)  Ce couplet vise le cas d'une nommée Gabrielle Gaultier, domicilié à Paris sur le pont au Change, veuve d'un certain Pierre de Loriné, soldat invalide. Cette femme était atteinte d'une sciatique violente et, comme tant d'autres, elle se transporta à Saint-Médard. Les mou­vements qu'elle fit sur la tombe du diacre augmentèrent son mal et lui causèrent un engour­dissement général. Sous les huées de la foule, à qui on avait persuadé qu'elle n'était pas ma­lade auparavant et qu'elle ne l'était devenue que pour avoir contrefait la boiteuse, elle fut ramené-e chez elle. Le même jour, vers les six heures du soir, on la conduisit à l'Hôtel-Dieu, salle Sainte-Martine, lit 51, où elle fut confessée par un sieur Chaulin, janséniste, qui l'obligea à avouer, en présence de 24 témoins, qu'elle n'avait été au tombeau que par dérision. Le sieur Chaulin fut exilé pour avoir suborné sa pénitente?.
(4)  La duchesse d'Aiguillon, que l'on accusa d'avoir payé la femme Gaultier pour discréditer les miracles.
(5)  Une demoiselle *** étant devenue enceinte en dehors du mariage voulut faire croire qu'elle