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cimetière, mais encore les galeries du charnier étaient remplies de visiteurs venus là à des rendez-vous de toutes sortes, « beaucoup plus de mauvais que de bons » (i) et ce qu'on y voyait n'était pas toujours des plus édifiants (2).
Quand tout le monde était réuni, le « spectacle » commençait. Les scènes qui se passaient alors étaient étranges. Les fidèles, dirigés pardes prêtres jansénistes, chantaient des cantiques et entonnaient des Te Deum. Puis, les prières achevées, chacun restait dans l'attente du miracle escompté. On voyait alors des hommes et des femmes courir, s'agiter, faire des bonds extraordinaires, se débattre à terre comme en proie à des crises d'épilepsie ; ici, certains marchaient sur les mains, la tête en bas et les jambes en l'air, en des attitudes d'acrobates, pendant que d'autres se contournaient en des poses où, pour certaines, la décence la plus élémentaire était oubliée. Là, des femmes couchées sur la tombe du diacre demandaient en gràce à ceux qui les entouraient de les frapper sur tout Ie corps, et plus les coups qu'elles recevaient étaient meurtriers, plus elles exprimaient de satisfaction; leur joie touchait à la béatitude. Elles en arrivèrent à subir des tortures dont l'atrocité fait frémir et que la pathologie seule peut expliquer.
Comme bien l'on pense, beaucoup de ces pantomimes étaient cal­culées et le charlatanisme le plus éhonté s'y donnait libre carrière i3). -Les poses et les attitudes qui obtenaient le plus de succès étaient celles qui revêtaient un caractère religieux ; les scènes de la passion, entre autres, avaient Ie don d'inspirer plus particulièrement les acteurs et de soulever le plus d'enthousiasme (4).
(i) Journal historique des convulsions du temps (i" partie].
(2)   « Et si j'en veux croire des personnes du monde qui y allaient pour y passer leur temps.. « elles y ont vu des choses que je n'ose rapporter. » (Journal historique des convulsions du temps, v partie.)
(3)  « L'on a pas encore tant vu do malades à Saint-Médard qu'il y en avait aujourd'hui ; les-« charniers en étaient tout remplis. Chaque malade y faisait son personnage. Dans le temps « que l'abbé Becherand) est venu monter sur le tombeau, on a fait faire à plusieurs malades ce u qu'on n'avait pas encore fait. On les a fait courir sous les charniers en traversant le cimetière « plusieurs fois et ils faisaient le tour des charniers en courant. Plusieurs personnes disaient .-« On a jamais rien vu de pareil. Los marchands de miracles ont annoncé au public que ce « n'était qu'un commencement ; dans peu ils verraient autre chose. » (Rapport non signé du « dimanche ç novembre 173t. — Archives de la Bastille, Tolume 10196.)
(4)   o Les représentations sont variées à l'infini ; mais elles tendent presque toutes au même but « qui est de retracer d'une manière très suivie le mystère de la passion de Jésus-Christ, son n agonie, son crucifiement, son état de mort, sa sépulture et le triomphe de sa glorieuse résur-« rection : de remettre comme sous les yeux divers supplices, et de peindre par quantité de « figures et de symboles les maux de l' Eglise, et les ressources que Dieu lui réserve et qui sont