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de son zèle inconsidéré, le père Pomart dut se retirer à Blois (i) et fut remplacé par un religieux du parti moliniste, le père Coifferel. L'exil du curé de Saint-Médard ne produisit pas le résultat que la Cour en espérait. Malgré son acte de vigueur, elle ne put arrêter la dévotion, chaque jour grandissante, rendue à la mémoire du diacre. Le nombre des enthousiastes qui se rencontraient au tombeau ne cessa d'augrnenter, en même temps que les miracles se multipliaient et menaçaient de devenir innombrables.
Quelles étaient donc ces guérisons surnaturelles, qui avaient le don de passionner à ce point le parti janséniste?
Ces prétendus miracles furent de deux sortes. U y eut les guéri-sons résultant d'un miracle pur et simple, et celles obtenues à la suite de convulsions. Les jansénistes se rencontrèrent pour admettre les premières sans réserve. Pour les secondes, ils se divisèrent ; cer­tains, et ceux-là furent les plus nombreux, les acceptèrent aveu­glément, d'autres les repoussèrent comme dues à une intervention diabolique ; enfin un certain nombre ne virent dans.ceux qui les éprouvaient que d'effrontés charlatans exploitant la crédulité des âmes simples. De cette désunion sortirent les noms de miraculés et de convulsionnaires qu'on donna aux personnes qui affirmaient avoir été guéries par l'intercession du diacre, selon qu'elles le furent par le fait d'un miracle ou à la suite de convulsions.
Nous allons passer en revue séparément ces deux catégories de guérisons.
Miraculés. - Les miracles purs et simples se produisirent immé­diatement. 11s n'attendirent pas, pour se manifester, que le diacre fût inhumé. Le jour même des obsèques du pauvre mort, ses amis eurent la joie de constater sa puissance par la guérison d'une pauvre femme habitant le quartier, fileuse de laine de son état: Madeleine Beigney, veuve Piquot, qui, paralysée d'un bras depuis vingt années, recouvra instantanément l'usage de ce membre après avoir touché le cadavre du diacre. Cette guérison fit grand bruit et, naturellement, en amena d'autres. Celles-ci se succédèrent sans discontinuité ; chaque jour amena la sienne. Nous n'avons pas l'intention de les énumérer toutes ; la liste en serait trop longue. Nous nous contente­rons d'en citer quelques-unes, pour donner un aperçu exact de la crédulité qui s'empara, alors, d'un certain nombre de catholiques.
(i) Le Père Pomart mourut en exil à Troyes, le 6 février 1754.