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catholique, n'était, dans la circonstance, que son prête-nom, nous dirions aujourd'hui son homme de paille.
Comme on le voit, les explications fournies au Parlement par Jacques Canaye sont des plus sujettes à caution et ne militent guère, en tout cas, en faveur de son frère, qu'on eût aimé à voir plus cou­rageux.
Le Parlement n'accepta pas l'offre qui lui était faite. Par un arrêt du 24 avril 1562 il ordonna la démolition d'une partie del'immeuble, avec défense d'y tolérer de nouvelles réunions calvinistes (i). Les pro­testants n'avaient plus à Paris de lieu de réunion.
Naturellement, les réformés n'acceptèrent pas sans murmures les mesures qui les frappaient. Aussi fanatiques que leurs adver­saires. ils mirent en pièces et jetèrent aux gémonies les statues de saints et de madones dressées aux coins des rues étau milieu des carrefours. Pendant de longs mois ils saccagèrent et pillèrent avec d'odieux raffinements les sanctuaires isolés élevés dans la capitale.
Bientôt, du reste, d'autres événements plus importants vinrent retenir l'attention des belligérants et leur faire oublier le « tumulte » du 27 décembre 1561, dont nous avons essayé de fixer la physiono­mie définitive en dehors de tout esprit de parti.
(1) Malgré son arrêt du 24 avril, le Parlement attribua, par une nouvelle décision en date du 18 août 1562, la maison du Patriarche à la fabrique de Saint-Médard et aux pauvres de la paroisse (Bibliothèque nationale, collection du Parlement, vol. 535, f° 415). Ce nouvel arrêt dut être cassé quelques années plus tard, car l'hôtel du Patriarche fut mis en vente en 1569 et adjugé aux marguilliers de Saint-Médard. Que se passa-t-il par la suite ? Il nous a été impos­sible de le relever. Toujours est-il qu'en 1603 l'hôtel appartenait à un autre Jean Canaye, en 1637et 1646 à une demoiselle Elisabeth Bourneau, veuve d'un Philippe de Canaye (Jaillot, Recherches sur Paris), en 1660 à un sieur Jean Canaye, en 1698 à un nommé Etienne Canaye, et en 1761 à l'abbé de Canaye. Sous Louis XVI la propriété passa aux mains du maréchal de Biron.
Dès 1684 un marché aux légumes fut installé sur une partie de ses dépendances.
Sous la Révolution, « la maison dite du Patriarche située 17 rue Mouffetard », comprenant un marché public élevé sur une partie des dépendances de l'hôtel et les bâtiments y attenant, fut louée à un sieur Louis Vaché, charpentier, y demeurant, le 27 ventôse an VI (17 mars 1798) par un bail 3-6-9 et moyennant un loyer annuel de 600 livres.
Ces bâtiments, restes de l'hôtel primitif, menaçant ruine et étant inhabitables, les Domaines décidèrent de faire procéder à Ieur démolition. L'adjudication eut lieu le 16 thermidor an XII (4 août 1804) au bénéfice d'un sieur Bourson, maître-maçon, domicilié à Paris, rue du Coq-Saint-jean, qui s'engagea à exécuter la démolition demandée moyennant un versement à l'Ad­ministration de 3.075 francs.
Le marché public a été rebâti sous le Gouvernement de Juillet et se nomme encore aujour­d'hui marché des patriarches; il rappelle, avec une rue et un passage de môme nom, le souvenir de l'ancien hôtel de Guillaume de Chanac. (Voir page 44 une vue du passage des Patriarches.)