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se justifier devant le parlement. Absent de Paris, Jean Canaye chargea son frère Jacques, avocat, de le représenter et de plaider sa défense. La comparution eut lieu le mardi 18 août 1562. Jacques Canaye y déclara que la maison dite du Patriarche «pource que un patriarche d'Alexandrie, déchassé par les barbares, la fit anciennement bâtir », appartenait bien à son frère Jean Canaye, marchand, actuellement en voyage pour ses affaires ; qu'il l'avait louée à Ange de Caule, marchand luquois, lequel l'avait « baillée pour y faire presches » outre le gré et la volonté dudit Jean, qui, par un acte en date du 25 novembre 1561, avait protesté contre l'affectation de sa propriété au culte calviniste. En terminant sa plaidoirie, Jacques Canaye fit connaître que son frère, « pour témoigner le regret et ennuy qu'il prenait des abominables sacrilèges commis en l'église Saint-Médard, délaissait ladite maison vague et abandonnée pour estre donnée aux pauvres ou estre employée en autres oeuvres pitoyables, ainsi que la Cour adviseroit, désirant que la mémoire de ce lieu fut à jamais éteinte et or de sa famille».
Cette défense est pitoyable. Toute la famille des Canaye était protestante (1) et la femme de ce Jean Canaye, Marguerite Gobelin, appartenait, elle aussi, à la religion réformée. La désunion qui existait à cette époque dans tant de familles pour cause de religion ne se rencontre pas ici. L'harmonie des croyances était parfaite. Comment supposer, dans ces conditions, que le propriétaire du Patriarche n'ait pas approuvé l'établissement dans sa propriété d'un prêche devant servir à l'exercice du culte auquel il appartenait|? Il est probable, sinon certain, que, d'accord avec les siens, il voyait d'un œil favorable l'usage que l'on faisait de son hôtel: et s'il ne fit rien, ce qui est des plus douteux, pour l'organisation du prêche du faubourg Saint-Marcel, il ne s'opposa point à son établissement.
Il y a bien, il est vrai, la prétendue défense qu'il aurait faite à Ange de Caule le 25 novembre i56i, lui enjoignant de ne pas tolérer l'exercice du culte réformé dans le Patriarche. Cette défense n'est connue que par l'affirmation de Jacques Canaye et elle présente tous
(i) En 1651, la famille des Canaye se composait de quatre frères : Philippe, Pierre, Jean et Jacques. Tous etaient huguenots dans l'âme. Protestants militants, ils jouent un certain rôle dans les troubles dc cette époque et on les voit souvent poursuivis comme réformes.
Philippe, Pierre ct Jean étaient associés pour le commerce des teintures à Saint-Marcel et celui des tapisseries à Saint-Nicolas. Quant au quatrième, Jacques, il était avocat au Parlement.
Les Canaye possédaient une immense fortune. Pour sa part, Philippe, l'aîné, laissa à sa mort' une fortune detrois millions de francs.
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