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avaient dû, n'étant pas en force, obtempérer à l'ordre qu'ils avaient reçu, « ce qui leur fut de si dure digestion, qu'ils en conceurent tel crève-cœur, que dès lors conspirèrent, curé et prebstres, d*un mono­pole, la première fois que là on s'assembleroit, de sonner tant que cordes pourroient tirer et cloches bransler; et pour festoyer ceux qui les en voudroyent empescher, se fortifièrent et munirent de pierres, arbalestres, espées, rondelles et long-bois, s'adjoignans bon nombre
des plus mutins et séditieux de toute la paroisse...... outre plus, est
assez confirmée telle conspiration, parceque, dès le matin, avoyent Ies prebstres retiré de l'église, en maisons voisines de leurs plus féables, tous leurs reliques, calices, platine (patenne), chasubles et ornemens de pris, pour estre plus seurement en tout évènement » i i ). Si le récit de Condé est exact, il établirait la préméditation et expli­querait la provision de pierres qui existaitdans le clocher de l'église, provision dont parlent tous les historiens oculaires, qu'ils soient ca­tholiques ou protestants. Il est certain que ces pierres avaient été amoncelées dans un but de défense. Mais la partialité de Condé est trop notoire pour qu'on puisse accorder une créance absolue à ses affirmations (2). N'oublions pasque les huguenots s'attaquaient de préférence aux monuments religieux. Ce que l'art a perdu à leurs bar­bares dévastations est incalculable. La plupart des églises gothiques élevées en France pendant le moyen-âge furent détruites par eux ; « la hache retentit d'un bout de la Franceà l'autre et ce qui avait été bâti en quatre cents ans était détruit en un jour » (3). Peut- être en fai­sant provision de pierres, le clergé de Saint-Médard avait-il voulu prendre ses précautions pour le jour où il lui faudrait défendre son église et la préserver de la destruction dont tant d'autres sanctuaires avaient été l'objet (4). En l'absence de preuves décisives, on en est réduit aux hypothèses et l'on ne pourrait émettre que des supposi­tions téméraires qui n'apporteraient rien à l'affirmation de la vérité.
(i) Condé (Mémoires, t. II). Ce que rapporte Condé est de la plus grande exactitude. Dans une perquisition faite chez les marguilliers de la paroisse par ordre du parlement, le com­missaire Lafillé retrouva chez ces derniers tous les ornements de l'église.
(2)  Des protestants, comme M. Philippe Cleisz, repoussent aussi la préméditation chez les prêtres de Saint-Médard. (Voir te Protestantisme Jrançais à la veille de la première guerre de religion, thèse soutenue devant la Faculté de théologie protestante de l'Université de Paris, par Philippe Cleisz).
(3)  Henri Martin, Histoire de France, t. IX.
(4)  Cette supposition n'a rien de hasardé. L'année précédente, cn 1560,les protestants avaient détruit une statue du Christ qui ornait le fronton de la porte principale de l'hôpital de Lour­cine. Cette dépradation avait causé un grand scandale, et une importante procession, à laquelle prirent part les clergés de Saint-Marcel et de Saint-JIippolyte, entourés de leurs paroissiens,