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l'église de Saint-Médard, dont il n'était séparé que par une ruelle. Il appartenait à un nommé Jean Canaye, qui l'avait affermé à un marchand lucquois, Jean ou Ange de Caule, lequel l'avait loué aux protestants pour y tenir leurs assemblées. Le samedi 27 dé­cembre 15 61, « feste de Sainct Jean l'Evangéliste», un sieur Jean Malô, protestant, ancien prêtre catholique habitué de la paroisse Saint-André-des-Arcs, y faisait le prêche devant environ deux mille deses coreligionnaires (i). Interrompu par le bruit des cloches que l'on faisait sonner « ja les vespres dites » (2) ou « estans à Magni­ficat », Jean Malô dépêcha deux de ses auditeurs pour aller « sans armes (3) » prier le curé et le sacristain de vouloir bien faire cesser cette sonnerie. Les délégués, suivis de plusieurs personnes « parlans assez à l'estourdie », pénétrèrent dans l'église par le passage de la rue d'Orléans « priant gracieusement les sonneurs et ceux qu'ils y trou­vèrent de faire cesser leur sonnerie pour quelque peu de temps» (4). Si le temple du Patriarche était rempli de protestants, l'église catholique était, elle, pleine de fidèles réunis pour les offices de la Confrérie de dévotion à saint Jean l'Evangéliste. Le curé, soutenu par ses paroissiens, refusa d'écouter les deux mandataires du mi­nistre calviniste,que les fidèles injurièrent et maltraitèrent à tel point que l'un deux, demeuré enfermé dans l'église, resta mort sur la place percé de « sept coups (5 ».
Les catholiques s'empressèrent de fermer leur église (6) et recom­mencèrent à sonner de plus belle. Devant ce parti pris évident, le lieutenant du prévôt des maréchaux, un nommé Rouge-Aureille, qui assistait au prêche des protestants de la part du gouverneur de Paris
(i) :< Mallot, ministre, qui après les prières faites et le psaume chanté commença d'interpréter « ce passage de saint Mathieu: Venez à moy vous tous qui estes chargez... » (Mémoires de Condé, t. II).
(z) La Popelinière, Histoire de France. .< Sur les trois heures (ja leurs vespres dites) « dc malice délibérée firent sonner toutes leurs cloches ensemble d'un tel bransle qu'aussi « pour n'y avoir qu'une ruelle de distance entre les deux lieux retentissoit le son si grand dans « ledit Patriarche qu'il était du tout impossible d'entendre ladicte exhortation. » (A/émoires de Condé, t. II.)
(-) La Popelinière, ouvrage cité.
(4)  D'après Claude Hatton, les protestants se seraient présentés à Saint-Médard la menace à la bouche, exigeant qu'on cessât le sonnage jusqu'à la fin du prêche, c'est-à-dire vers 4 heures ; les prêtres auraient répondu qu'on ne pouvait attendre jusque-là, parce que la nuit ne permet­tait plus de chanter. (Version catholique.)
(5)  La Popelinière, ouvrage ci. Ce malheureux se nommait Pasquot.
(6)  « Aussy soudaia furent clos deux autres portes, l'une grande du presbitaire, l'autre plus « petite du cymetière, issante en la ruelle joignant le Patriarche. » (A/émoires de Condé, t. II.) La première de ces portes existe toujours ; la seconde fut murée en 1732, elle est très reconnaissable encore aujourd'hui dans le mur du jardin du presbytère.