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l'image. Ils apportèrent dans leur polémique une violence inouïe et un langage parfois ordurier (i). De leur côté, les constitution­nels, en butte à tous les arbitraires du Gouvernement (2), ne fai­saient rien pour faciliter la tâche de ceux qui les combattaient avec tant d'acharnement. 11s se défendirent avec vigueur, sans cependant descendre dans leurs écrits aussi bas que leurs adversaires, et cherchèrent à entraver par tous les moyens l'exercice de leur culte et à blesser leurs convictions (3). Cette intolérance réciproque ne pouvait qu'amener de violents conflits. Pour y mettre un terme, l'autorité se vit obligée de prendre, le 14 nivôse an VI (3 janvier 1798), deux arrétés réglementant la police intérieure des édifices religieux.
Le premier de ces arrêtés ordonna que les clés des monuments où s'exerçaient différents cultes seraient déposées chaque jour entre les mains du commissaire de police de la division où ils étaient situés. Le second détermina les heures durant lesquelles les églises appartiendraient aux deux religions. Ces heures furent : pour le clergé constitutionnel le matin jusqu'à onze heures; pour les théophilanthropes de onze heures à trois heures de l'après-midi (4).
Ces dispositions étaient sages; elles suffirent pour amener le calme dans la plupart des paroisses et éviter le retour des contesta­tions qui s'étaient produites. Elles furent cependant impuissantes à empêcher tout conflit dans les trois églises que les théophilan-
11 On vendait à Paris un pamphlet intitulé : la Pelle au c. donnée aux thèophilanthropes
\ par les catholiques (s. d. in-8). L'auteur explique ainsi son titre : « Eh ! colporteur, mon ami,
« ne vois-tu pas que tu te trompes sur le titre de ton pamphlet ? — Comment donc ? — Il faut
« lire l'appel au Cutte des théophilanthropes. —Bah! qu'est-ce que cela fait ? les dévotes n'en
u voudraient pas! laissez-moi donc crier la pelle au c. » (A. Mathiez, ouv. cilé.)
(2) A cette même époque leclergé constitutionnel etait traqué sans pitié. En pluviôse an VI, le curé de Saint-Laurent, Margarita, était déporté. Le même mois, trois églises : celles des Carmes, rue de Vaugirard; de Saint-Benoit, rue Saint-Jacques, et de Saint-Germain-l'Auxer-rois étaient fermées sous la fallacieuse raison que leurs clergés avaient célébré la fête des rois. Le 14 floréal suivant, le Gouvernement ordonnait la fermeture de toutes les chapelles, oratoires, églises, ouverts parles constitutionnels à titre privé. Deux mois après, le 24 messi­dor, Laurens, curé de Saint-Thomas-d'Aquin, était arrêté, son église fermée, avec défense d'y célébrer à l'avenir les exercices du culte... etc., etc
(3)  « D'un autre côté, des ministres catholiques et leurs prosélytes, sans attendre l'entière évacuation du temple des théophilanthropes, se précipitent en foule et se hâtent de commen­cer leurs exercices par une lustration avec de l'eau, dite bénie, des lieux que venaient d'occu­per les hommes d'un autre culte. » (Rapport du Bureau central du 8 nivôse an VI, 28 de­cembre 1797.)
(4)  L'administration a réglé conformement àla loi les heures auxquelles les différents cultes auraient lieu, savoir : celui des catholiques jusqu'à 11 heures du matin, ct celui des théophi­lanthropes de cette heure à 3 heures du soir. (Compte rendu par les administrateurs du dépar­tement de la Seine depuis le icr vendémiaire au 27 floréal an VI (22 septembre 1797-16 mal 1798), dans Schmidt. Tableaux de la Révolution, t. III.)